Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/343

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1677 qu’elle dit et ce qu’elle pense de ce curé du Saint-Esprit qui est exilé à Semur, et qui est le même que M. de Trichateau a recueilli si charitablement et si généreusement ; il nous en parla. Je n’ai pas le don ni l’esprit de deviner l’importance ni le mérite de cet homme ; ma fille m’en instruit, comme vous voyez, et je fais passer cette instruction jusques à vous, afin que vous confirmiez M. de Trichateau dans tous les bons sentiments qu’il a pour lui, et que vous lui disiez que le mérite de cet homme passe encore ce qui en paroît. Confiez-lui, si vous le jugez à propos, la belle raison de son exil, et l’injustice de la persécution qu’on lui fait ; entrez, je vous conjure, dans cette affaire avec charité, et mêlez-y l’amitié que vous avez pour Mme de Grignan et pour moi avec l’aversion naturelle que l’on a pour les oppressions injustes : j’en suis toujours offensée directement, et j’ai pensé que pendant que je tâcherai de le servir à Paris, vous pourriez fort aisément adoucir le malheur de ce bon et saint curé, par la connoissance que vous auriez de sa vertu et que vous en pourriez donner à M. de Trichateau. On se lasse quelquefois de protéger un malheureux inconnu ; mais quand on sait la beauté de cette action et le mérite de celui qu’on protège, on s’en fait un plaisir et un honneur qui dure autant que la persécution. J’ai le cœur content de vous avoir dit tout ceci : vous y répondrez, et cependant je vous embrasse de tout mon cœur, suivant ma bonne coutume. Le bon abbé vous assure de ses respects. Je baise la main de la Beauté[1], qui peut-être me la refuse dédaigneusement, et je prie la très-bonne de ne me point oublier. Adieu, mon seigneur[2].

La M. de Sévigné.
  1. 7. Une des filles du comte de Guitaut.
  2. 8. Voyez tome II, p. 73, note 1.