Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/353

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1677 pas tout avoir, il faut se passer des parquets et des petites cheminées à la mode, mais nous aurons du moins une belle cour, un beau jardin, un beau quartier, et de bonnes petites filles bleues[1], qui sont fort commodes, et nous serons ensemble, et vous m’aimez, ma chère enfant[2] : je voudrois pouvoir retrancher de ce trésor qui m’est si cher[3] toute l’inquiétude que vous avez pour ma santé ; demandez à tous ces hommes comme je suis belle ; il ne me falloit point de douche : la nature parle ; elle en vouloit l’année passée, elle en avoit besoin ; elle n’en vouloit point celle-ci, j’ai obéi à sa voix. Pour les eaux, ma chère enfant, si vous êtes cause de mon voyage, j’ai bien des remerciements à vous faire, car je m’en porte parfaitement bien. Vous me dites mille douceurs sur l’envie que vous avez de faire un voyage avec moi, et de causer, et de lire : hélas ! plût à Dieu que vous pussiez, par quelque hasard, me donner ces sortes de marques de votre amitié ! Il y a une personne qui me disoit l’autre jour, qu’avec toute la tendre amitié [4] que vous avez pour moi, vous n’en faites point le profit que vous auriez pu en faire ; que vous ne connoissez pas ce que je vaux, même à votre égard ; mais c’est une folie que je vous dis là, et je ne voudrois être aimable que pour être autant dans votre goût que je suis dans votre cœur : c’est une belle chose que de faire cette sorte de séparation ; cependant elle ne seroit peut-être pas impossible. Sérieusement, ma fille, pour finir cette causerie, je suis plus

  1. 7. Le couvent des Annonciades célestes ou Filles bleues, de l’ordre de Saint-Augustin, se trouvait, depuis 1626, dans la rue Culture-Sainte-Catherine, du même côté que l’hôtel Carnavalet.
  2. 8. Les mots : « et vous m’aimez, ma chère enfant, » ne sont pas dans l’édition de 1754 ».
  3. 9. « De votre amitié qui m’est si chère. » (Édition de 1754)
  4. 10. « Toute la tendresse. » (Ibidem.)