Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/390

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1677 et qu’il ne fût toujours poëte en prose. Je pense connoître l’homme de qualité, Madame, à qui, si vous étiez roi[1], vous commettriez le soin de votre histoire. Celui que je veux dire loueroit Sa Majesté sans dégoûter le lecteur par ses louanges.

Je ne sais pas si M. le Tellier fera bien sa charge de chancelier de France ; mais je sais bien qu’il n’a jamais rien fait pour personne, et qu’à mon égard c’est un ingrat. Pour l’approbation générale que vous dites qu’il a, je ne l’en estime pas davantage : on paroît à bon marché dans une charge après le chancelier d’Aligre[2]. Au reste, Madame, vous avez raison de vous récrier sur la bonne fortune de cette famille : elle est au dernier degré. Vous dites plaisamment que votre nièce de Coligny est si heureuse qu’elle en devroit être. Il est vrai aussi que son bonheur vient plutôt de sa modération que de ses grandes richesses, et les Louvois ne sont pas de même. Vous avez raison de dire que la fièvre quarte de Mme de Coligny fait un peu voir qu’elle est encore des nôtres. Elle l’a jugé ainsi, et cela l’a mortifiée. C’est Alexandre qui connoît par sa blessure qu’il n’est pas fils de Jupiter comme il l’avoit cru[3]. Vous verrez ce que vous souhaitez tant de voir ; mais n’allez pas aussi vous figurer un si grand plaisir ; car j’aurois trop de peine à remplir votre attente.

Adieu, ma chère cousine, l’heureuse veuve et moi

  1. 3. « Si vous étiez le Roi. » (Manuscrit de la Bibliothèque impériale.)
  2. 4. « Après M. d’Aligre. » (Ibidem.) Trois lignes plus loin, on lit au même manuscrit : « que votre nièce de Coligny en devroit être, tant elle est heureuse. Il est vrai que son bonheur… Vous avez encore raison de dire que sa fièvre quarte fait un peu voir qu’elle est des nôtres. »
  3. 5. « Comme il avoit cru. » (Ibidem.) À la suite de ces mots, ce manuscrit a le passage que voici : « Vous vous moquez, Madame, de croire que ce soit radoter que de faire plusieurs fois un même conte : vous plaisiez fort à vingt et cinq ans, et vous ne laissiez peut--