Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/120

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1680 demeurer, tout cela a été mêlé et remêlé de tant de divers sentiments, qu’il n’y a personne dont la poitrine ne fût échauffée à vouloir seulement les conter : tout cela me paroissoit comme une machine que la Providence conduisoit avec mille ressorts et mille cordes dont je voyois le démêlement. Enfin, tout d’un coup, tout a changé du blanc au noir : on a eu horreur de ce qu’on estimoit, on a désiré Paris comme on le détestoit, on a vu l’état où l’on étoit ; on m’a écoutée, et l’on a vu ma sincérité ; nous avons tout déménagé en deux jours, et nous voici dévorés du désir d’arriver et de nous baigner dans le Jourdain, car c’est proprement cela. Nous aurons bien à discourir sur ce sujet, ma fille ; car encore que cette précipitation ne soit pas pour vous, j’en profiterai pour vous bien recevoir. Je vous assure qu’il n’y a aucune expérience de physique qui soit plus amusante que l’examen, et la suite, et la diversité de tous nos sentiments ; ainsi, vous voyez bien que Dieu le veut peut être paraphrasé en mille manières. Vous êtes admirable de vouloir que je dise à Monsieur l’Archevêque le déplaisir que vous avez de son départ ; vous me faites trop d’honneur, et à mes pauvres lettres ; je suis ravie cependant que vous me trouviez bonne quelquefois à certaines sauces. J’avois oublié Madame de la Ville-Dieu[1] : la bonne personne est-elle morte après son agonie ? J’ai su le départ de M. de Vendôme et de votre intendant ; j’ai dit tout comme vous.

Adieu, ma chère enfant : il faut se coucher ; nous ne nous sommes point promenés ; nous partons demain, nous n’avons pas le temps de nous reposer. Mon abbé et

  1. 5. Il y avait de ce nom une femme auteur assez connue, et qui ne mourut qu’en 1683 ; mais le comte de Grignan eut une sœur qui fut religieuse et peut-être supérieure de la Ville-Dieu ; c’est bien certainement d’elle ou de la supérieure de ce couvent qu’il est ici question : voyez le milieu du premier alinéa de la lettre suivante, p. 116.