Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/129

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avec vos deux Grignans à soutenir, accablée de toutes sortes d’affaires de tous côtés, et quelles affaires ! votre esprit soit assez étendu et assez universel pour passer de ces tristes pensées à Rochecourbières, à des bouts-rimés, à des conversations plaisantes, qui feraient croire que vous êtes toute libre et toute désoccupée, voilà ce qui est très-miraculeux, très-aimable, très-admirable, et c’est aussi ce que j’admire et que je loue sans cesse, et ce que je ne comprendrois pas, si on me le contoit d’une autre, et que je ne le visse pas en vous.


1680

868. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, ce mercredi 6e novembre.

Je vous conseille toujours, ma fille, de partir le plus tôt que vous pourrez : si vous attendez que M. de Grignan ait rempli tous ses devoirs, il ne faut point penser à venir cet hiver. Il me semble que l’amitié qu’il a pour vous le doit obliger à prendre toute autre résolution que celle de vous exposer au froid et aux mauvais chemins ; je ne comprendrai jamais une autre conduite. Vous êtes bien née pour n’avoir jamais un moment de joie et de tranquillité, puisque vous passez légèrement sur votre séjour de Paris, pour vous occuper de votre retour à Grignan. Voilà une sorte de dragon dont on n’a jamais accoutumé de se charger, quand on est encore au milieu des agitations d’un départ. Pour moi, ma chère enfant, je ne sais ce qui vous oblige de penser à quitter Paris, quand vous y serez une fois : votre logement y sera commode, votre bail renouvelé pour quatre ans, votre dépense réglée ; et si vous voulez éviter, c’est-à-dire M. de