Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/154

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plus qu’il ne faut pour être maréchal de France, et que des ennemis puissants lui ont fait perdre tous ses services, grands et considérables, pour des bagatelles, il a d’abord du chagrin ; mais comme chrétien et comme homme de courage, il prend patience, et il se console en sa propre vertu. Faites l’application, Madame, et trouvez bon après cela que je vous dise que quand je vois faire un maréchal de France indigne, j’en ris sous cape ; quand il le mérite, je lui rends justice, fût-il mon ennemi ; et j’en suis bien aise[1] s’il est de mes amis, comme le maréchal d’Estrées.

Vous me dites de si belles choses sur la brièveté de la vie, et sur le mépris des honneurs qui durent si peu, que je ne comprends pas que vous vouliez d’un autre côté que j’aie du chagrin de n’être point maréchal. Non, Madame, je n’en aurai point[2] et je vous en ai dit mes raisons. Si je voulois épuiser cette matière, j’irois bien plus loin ; mais je vous garde encore quelque chose, en cas que vos foiblesses vous reprennent une autre fois.


1681

878. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY RABUTIN.

Trois semaines après que j’eus écrit cette lettre, je reçus celle-ci de Mme de Sévigné.
À Paris, ce 28e avril 1681.

Vous avez reçu une de mes lettres, mon cousin, dans le temps que j’ai reçu la vôtre ; cela arrive souvent. Je ne

  1. 5. « Quand il le mérite, je le dis, et j’en suis bien aise, etc. » (Manuscrit de la Bibliothèque impériale.)
  2. 6 « …que j’aie du chagrin de n’en point avoir. Non, Madame, je n’aurai point de chagrin. » (Ibidem.)