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1681

880. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY RABUTIN.

Trois semaines après que j’eus écrit cette lettre, je reçus celle-ci de Mme de Sévigné.
À Paris, ce 26e mai 1681.

Je blâme le maréchal d’Estrées, mais c’est leur fantaisie de vouloir qu’on les traite de monseigneur[1], et ce doit être aussi la vôtre, soutenue de la raison, de ne le point faire. Si vous eussiez pu prévoir cela, il eût fallu éviter de lui écrire, comme bien des gens le font présentement, car de cette manière on n’offense pas sa gloire ou celle de son ami. Le maréchal d’Humières fit mieux avec M. de Grignan ; celui-ci l’ayant appelé monsieur, le maréchal lui fit réponse en badinant qu’il avoit tort de ne le point appeler monseigneur, et que malgré l’imprimé de M. de Montausier pour faire voir que les lieutenants généraux dans les provinces ne devoient pas écrire monseigneur aux maréchaux de France, il étoit persuadé qu’ils le devoient, et qu’à Paris ils videroient ce différend. En effet ils en disputent toujours, mais sans aigreur, comme de bons et anciens amis, et ils s’écrivent toujours en badinant sur cela ; encore est-ce quelque chose de mieux que de demeurer tout silencieux et tout froid dans les premiers jours qu’on entre dans cette dignité.

Si je trouve le maréchal d’Estrées, je lui en dirai mon sentiment, et si je découvre que votre disgrâce ait quelque part à ce procédé-là, je lui en ferai quelque honte. Il faut qu’il récompense cet endroit par mille bons offices qu’il doit rendre à Monsieur votre fils dans les occasions.

  1. Lettre 880. — 1. Il est plusieurs fois question, dans les lettres de 1675, de cette prétention des maréchaux de France. Voyez tome IV, p. 62, et 94, 95.