Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/193

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1682 remarquez-en bien toutes les circonstances. M. le prince de Conti s’étant expliqué d’être mal content de M. le chevalier de Lorraine, parce qu’il avoit dit que M. le prince de la Roche-sur-Yon[1] étoit amoureux de Madame sa femme, trouva à propos de lui dire, il y a deux jours, dans les jardins de Versailles, qu’il lui vouloit faire l’honneur de se battre avec lui, parce qu’il l’avoit offensé par des discours, etc. M. le chevalier de Lorraine le remercia de cet honneur qu’il lui vouloit faire, et vouloit se justifier d’avoir parlé ; après quoi le prince lui dit qu’il pouvoit prendre pour second M. de Marsan, qui s’approcha s’entendant nommer, et se mit volontiers de la partie, en priant M. le prince de Conti de vouloir lui donner M. le comte de Soissons ; qu’il y avoit longtemps qu’il étoit ennemi de leur maison. La proposition fut acceptée : voilà la partie bien liée, le lieu pris, l’heure marquée, le secret recommandé. Ne croyez-vous pas être au temps de feu M. de Boutteville[2] ? Chacun s’en va de son côté ; mais le chevalier de Lorraine alla droit chez Monsieur, à qui il conta toute cette petite histoire, et Monsieur un moment après la confia au Roi. Vous pouvez penser tout ce qu’il dit à son gendre ; il lui parla deux heures avec plus de gaieté que de colère, mais d’un air de maître qui a dû causer de grands repentirs. Tout cela n’a pas eu de suite. Le public a voulu trouver que le chevalier de Lorraine devoit refuser sur-le-champ, plutôt que de consentir et puis aller tout dire ; mais les gens du métier ont trouvé qu’un refus auroit attiré des paroles fâcheuses du prince, et quelque menace peut-être dure à

  1. Lettre 895. — 1. Le prince de la Roche-sur-Yon avait fait des plaisanteries qui avaient déplu au prince de Conti, son frère aîné. Voyez la lettre du 22. mars 1680, tome VI, p. 323.
  2. 2. François de Montmorency, seigneur de Boutteville. Voyez la Notice, p. 10 et suivantes.