Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/201

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1682 semaines que je suis avec ma fille, souvent avec mon fils, avec mon bon abbé, avec Mlle  de Grignan, avec le petit Grignan et quelques jours le chevalier. Si vous saviez, Monsieur, comme tout cela est bon en ménage, vous comprendriez aisément le peu d’impatience que j’ai de retourner à Paris ; cependant il faudra faire comme les autres à la Saint-Martin. Notre ami[1] nous manque ; il a été fort incommodé, il craint notre serein ; la presse est un peu sur les logements ; toutes ces raisons le font demeurer à Paris. Mais vous ne pourriez pas le reconnoître ; sachez, Monsieur, qu’il a pris une perruque comme un autre homme. Ce n’est plus cette petite tête frisottée, seule semblable à elle ; jamais vous n’avez vu un tel changement ; j’en ai tremblé pour notre amitié : ce n’étoit plus ces cheveux à qui je suis attachée depuis plus de trente ans ; mes secrets, mes confiances, mes anciennes habitudes, tout étoit chancelant ; il étoit plus jeune de vingt ans ; je ne savois plus où retrouver mon ancien ami ; enfin je me suis un peu apprivoisée avec cette tête à la mode, et je retrouve dessous celle de notre bon Corbinelli. Si vous aviez été ici, nous aurions bien joué toute cette pièce ensemble ; je suis assurée que vous auriez été aussi surpris que moi ; c’étoit bien autre chose que cette garde-robe et ces points magnifiques que M. de Vardes lui avoit donnés. À propos, il le fait chef de son conseil, il profite de ses études sur le droit, et le met à la tête de ses affaires ; et il gagne beaucoup à cette disposition, et en vérité on se trouvera toujours fort bien de notre ami, à quelque sauce qu’on le mette. Celui qui est toujours chassé de vos états me fait une extrême pitié. Il y a de certains dégoûts qui sont insupportables ; ses malheurs prennent le train de ne finir jamais, et il n’a

  1. Lettre 900. — 1. Corbinelli.