Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/204

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1682 avois écrit dans la lettre de notre ami. Cherchez-la, et me demandez pardon.

Cependant je vous dirai que l’amour fait ici des siennes. Le comte de Soissons a déclaré son mariage avec Mlle de Beauvais[1]. Le Roi a fort bien reçu cette nouvelle princesse. Elle parut belle et modeste. On dit qu’elle est mariée il y a deux ans et demi[2], et que de peur que la jouissance ne refroidît les feux du futur, elle n’a accordé aucune faveur que le lendemain des vingt et cinq ans[3] qui fut justement vendredi dernier. Sur cela il y a beaucoup à dire, et nous pourrons bien raisonner sur ce sujet, quelque jour que vous dînerez ici à votre retour, si elle a bien ou mal fait, car enfin quand un homme de cette qualité donne à une demoiselle la plus grande marque d’amour qu’il lui puisse donner, en l’épousant, est-on[4] deux ans et demi sans lui faire voir autre chose qu’une parfaite et unique ambition, soutenue d’une grande défiance et d’une extrême froideur ? Pour moi, je me souviens d’un vers de l’Arioste, dont j’ai ri autrefois : Angélique avoit couru les quatre coins du monde, seule avec Roland, et on assure le lecteur qu’elle étoit aussi entière

  1. 5. Sur le mariage du comte de Soissons avec Mlle de Beauvais, voyez tome VI, p. 177, note 20. — Les mots Soissons (ici et plus loin, p. 199) et Beauvais sont biffés dans notre manuscrit. Soissons est remplacé par une S dans l’interligne.
  2. 6. Nous avons dit que le mariage avait été béni secrètement le 12 octobre 1680.
  3. 7. Dans le manuscrit de la Bibliothèque impériale : « des vingt-cinq ans."
  4. 8. « … vendredi dernier. Il y a beaucoup à dire, et nous pourrons bien discourir sur ce sujet, quelque jour que vous dînerez ici à votre retour : a-t-elle bien fait, a-t-elle mal fait ? Quand un homme de cette qualité donne la plus grande marque d’amour que l’on puisse donner, en épousant, est-on, etc. » (Manuscrit de la Bibliothèque impériale.) — Le comte de Soissons était né le 16 octobre 1657. Le 16 octobre, en 1682, était un vendredi.