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1684

931. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Étampes, mercredi 13e septembre.

Vous croyez bien, ma chère belle, que malgré tous vos excellents conseils, je me suis trouvée, en vous quittant, au milieu de mille épées, dont on se blesse, quelque soin qu’on prenne de les éviter. Je n’osois penser, je n’osois prononcer une parole ; je trouvois partout une sensibilité si vive, que mon état n’étoit pas soutenable. J’ai vécu de régime selon vos avis : enfin je fais tout du mieux que je puis ; je me porte très-bien, j’ai dormi, j’ai mangé, j’ai vaqué au bien Bon, et me voilà. J’ai fait répéter les raisons de mon voyage, je les ai trouvées si fortes, que j’ai reconnu ce qui avoit formé ma résolution ; mais comme la douleur de vous quitter me les avoit un peu effacées, j’ai besoin encore qu’elles me servent pour soutenir votre absence avec quelque tranquillité ; je n’en suis pas encore là, je suis agitée de l’envie de vous retrouver : n’oubliez pas ce que vous m’avez dit là-dessus. Je suis ravie de songer que vous êtes à Versailles : je crois que la diversité des objets vous aura soutenue, mieux que n’ont fait à mon égard ceux de Châtres[1] et d’Étampes. J’espère que votre voyage sera heureux ; comment pourroit-on vous refuser ? Je vous recommande votre santé : c’est une grande consolation pour moi, que de songer à ces bonnes petites joues que je vous ai laissées ; conservez-les-moi. En vérité, je n’ose appuyer sur rien, tout me fait mal ; c’est une plaisante

  1. Lettre 931. — 1. Ancien-nom de la petite ville d’Arpajon. C’est bien certainement Châtres qu’il faut lire, et non pas Chartres comme dans le texte de 1754. La ville de Chartres ne se trouvait pas sur le chemin de Mme de Sévigné.