Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/29

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1680 esprits dans sa tête, comme dans ce voyage de Rennes. J’étois en butte à tous les soins, à toutes les civilités, à toutes les amitiés de ces Chaulnes[1] ; et j’avois encore à repousser, à répliquer, à me défendre moi seule contre cent autres. Je vous dis que je ne m’étois jamais trouvée à telle fête. Toute la Bretagne étoit là : vous savez qu’il ne s’échappe guère de Bretons ; elle est toujours toute pleine, rien ne se répand, rien ne se perd, rien ne se déborde ; c’étoit une chose étrange[2]. Il y vint, le dernier jour, deux petites nièces de votre père[3] : l’une ressemble à Mme de Saint-Géran comme deux gouttes d’eau ; l’autre est une fort belle brune : je suis si prévenue en leur faveur, qu’il me sembloit qu’elles dansoient le passe-pied tout autrement que les autres ; elles ont bien de l’esprit dans les yeux. Il y avoit une autre vraie nièce[4] : celle-là sait quasi aussi bien que vous sa philosophie. Je vis aussi deux neveux ; mais le plus plaisant, c’est un jésuite bridé entre les menaces de la Société et l’inclination naturelle qui lui fait admirer la mémoire de son oncle[5] : de sorte que ce pauvre père mange toujours des

  1. 17. « De M. et de Mme de Chaulnes. » (Édition de 1737.)
  2. 18. « C’étoit donc une chose étrange. » (Édition de 1754.)
  3. 19. Descartes.
  4. 20. Catherine Descartes. Voyez tome VI, p. 60, note 22.
  5. 21. « Et son inclination naturelle pour la mémoire de son oncle. » (Édition de 1754.) — Descartes eut un frère aîné qui fut, comme son père, conseiller au parlement de Bretagne ; il eut encore une sœur de même lit que lui, mariée à un seigneur du Crevis, et de second lit un frère et une sœur. Voyez la Notice biographique de M. Garnier, au tome 1er de son édition des Œuvres de Descartes, p. vi et ix. — Parmi les membres du parlement de Bretagne notés par l’intendant dans une lettre à Colbert (1663), nous en trouvons trois du nom de Descartes : 1° à la grand’chambre : « Descartes, sieur de Chavagnes, originaire de Poitou, frère du sieur Descartes qui a écrit. Il est assez accommodé, fort bon juge, et quoiqu’il ne soit pas extraordinairement savant, il a pourtant de grandes lumières, et est des