Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/318

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1684 monter et suffoquer par mes affaires, si je n’avois pris, avec une peine infinie, cette résolution ! Vous savez que depuis deux ans je la diffère avec plaisir, sans y balancer ; mais, ma chère bonne[1], il y a des extrémités où l’on romproit tout, si l’on vouloit[2] se roidir contre la nécessité ; je ne puis plus hasarder ces sortes de conduites hasardeuses[3] ; le bien que je possède n’est plus à moi ; il faut finir avec le même honneur et la même probité dont on a fait profession toute sa vie : voilà ce qui m’a arrachée, ma bonne, d’entre vos bras pour quelque temps ; vous savez avec quelles douleurs ! je vous en cache les suites, parce que je veux me bien porter, et que je tâche de me les cacher à moi-même[4] ; mais cette espérance dont je vous ai parlé me soutient, et me persuade qu’enfin je vous reverrai ; et c’est cette pensée qui me fait vivre[5]. Je suis ici avec mon fils, qui est ravi de m’y voir manger une partie de ce qu’il me doit ; cela me fait un sommeil salutaire, et souffrir la perte de tout ce que ses fermiers me doivent, et dont apparemment je n’aurai jamais rien. Je crois, ma chère bonne, que vous entrez dans ces vérités qui finiront, et qui me feront retrouver comme j’ai accoutumé d’être[6]. Je n’ai pu m’empêcher de vous dire tout ce détail dans l’intimité et l’amertume de mon cœur, que l’on soulage en causant avec une bonne, dont la tendresse est sans

  1. 6. « Ma chère enfant. » (Édition de 1754.)
  2. 7. "Si on vouloit. » (Ibidem.)
  3. 8. Ce membre de phrase, et trois lignes plus loin les mots ma bonne, manquent dans l’édition de 1754.
  4. 9. « Je vous en cache la suite (sic), parce que voulant me bien porter, je me les cache en quelque sorte à moi-même. » (Édition de 1754.)
  5. 10. Ce dernier membre de phrase, et quatre lignes plus loin les mots ma chère bonne, ne sont pas dans l’impression de 1754.
  6. 11. « Et qui me feront retrouver mon premier état. » (Édition de 1754.)