Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/322

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1684 sa place, n’a tant fait de bonnes affaires : elle a du mérite et de la considération ; ces deux qualités[1] vous sont communes avec elle ; mais le bonheur ne l’est pas, ma chère bonne[2], et je doute que toute la dépense et tous les services de M. de Grignan fassent plus que vous ; ce n’est pas sans un extrême chagrin que je vois ce guignon sur vous et sur lui. Vous devriez me mander comme il aura reçu le Coadjuteur ; il me semble qu’ils étoient dans une assez grande froideur. Vous faites très-bien d’aller à Versailles à l’arrivée de la cour ; mais, ma bonne, je ne puis assez vous le dire, prenez garde au débordement des eaux ; on ne conte en ce pays que des histoires tragiques sur ce sujet. Vous dites une grande vérité, quand vous m’assurez que l’amitié que vous avez pour moi vous incommode ; et c’est une grande justice de croire que celle que j’ai pour vous m’incommode aussi : je sens cette vérité plus que je ne voudrois[3] ; car j’avoue que quand on aime à un certain point, on craint tout, on prévoit tout, on se représente tout ce qui peut arriver et tout ce qui n’arrivera point[4] ; et quelquefois on se représente si vivement un accident, ou une maladie, que la machine en est tout émue, et que l’on a peine à l’apaiser. Quelquefois je trouve une longueur infinie d’un ordinaire à l’autre, et je ne reçois vos lettres qu’en tremblant ; tout cela est fort incommode, il faut en demeurer d’accord, et je vous prie, ma chère bonne, d’avoir donc une attention

  1. 26. « Ces deux circonstances. » (Édition de 1754.)
  2. 27. Ces trois mots : « ma chère bonne, » ne sont pas dans l’impression de 1754, non plus que la phrase suivante : « Vous devriez, etc. »
  3. 28. « Et c’est une grande justice si vous croyez que la tendresse que j’ai pour vous m’incommode aussi ; je sens tout cela plus que je ne voudrois. » (Édition de 1754.)
  4. 29. « Et ce qui n’arrivera point. » (Ibidem.) — La fin de la phrase manque dans cette édition.