Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/350

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1685 sympathie guérissoit vos côtés : ma fille, seroit-ce une chose possible ? Qu’en disent Josson et Alliot ? Ce seroit bien alors que je regarderois ce remède comme un présent du ciel. Vous devez songer très-sérieusement toutes deux à ce qui peut vous guérir de ce mal : ne me laissez rien ignorer là-dessus. Mais quelle douleur pour cette triomphante Choiseul[1] ! quel hiver cette maladie lui vient couper par le milieu ! on dit qu’elle se promena toute la nuit à la gelée, aimant mieux mourir que d’avoir ce mal ; tout ce que vous me mandez sur cela est extrêmement bon à demeurer entre nous.

Je vous recommande l’opéra[2] ; vraiment, vous êtes cruelle de donner en l’air des traits de ridicule à des endroits qui vous feront pleurer, quand vous les enten-

  1. 5. Marie-Louise-Gabrielle de la Baume le Blanc de la Vallière, mariée le 30 juillet 1681 à César-Auguste, duc de Choiseul, comte du Plessis Praslin ; elle était nièce de Mme de la Vallière. Cette jolie duchesse faisait l’ornement de Versailles. On voit dans le Journal de Dangeau (5 et 13 novembre 1684) qu’elle dansait très-bien, et se faisait admirer à tous les bals de la cour. On fut obligé de la ramener à Paris le 22 janvier, parce qu’on craignait qu’elle ne fût atteinte de la petite vérole, et en effet cette maladie parut dès le soir. (Journal de Dangeau, 22 janvier 1685.) La duchesse de Choiseul mourut le 7 novembre 1698, à l’âge de trente-trois ans. Saint-Simon (tome II, p. 182) annonce sa mort en ces termes : « La duchesse de Choiseul, sœur de la Vallière, mourut aussi en même temps, pulmonique, belle et faite au tour, avec un esprit charmant, et à la plus belle fleur de son âge, mais d’une conduite si déplorable, qu’elle en étoit tombée jusque dans le mépris de ses amants… Son mari, amoureux et crédule, jusqu’à en avoir quitté le bâton de maréchal de France, comme je l’ai raconté (tome I, p. 40 et 41), brouillé et séparé après coup, ne voulut pas même la voir à sa mort. »
  2. 6. Le soir du 8 janvier, à Versailles, « on représenta pour la première fois l’opéra de Roland (de Quinault et Lulli) dans le manège de la grande écurie qu’on a accommodé pour cela. Le Roi y alla à six heures et n’en sortit point qu’à dix heures. » Voyez le Journal de Dangeau à cette date.