Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/352

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mer ; on ne peut être plus adorable dans le commerce de l’amitié : gardez-moi bien tous ces trésors, afin qu’un jour j’en puisse jouir encore plus agréablement. Votre belle-sœur est bien loin de craindre les hémorragies ; elle voudroit un remède qui lui pût faire connoître qu’elle a du sang dans les veines. Elle est toujours une jolie femme qui prend un grand plaisir à me faire parler de vous, et qui admire la vivacité de l’amitié que vous avez pour moi.


950. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, lundi 29e janvier.

Je reçois aujourd’hui à quatre heures du soir votre lettre de samedi, qui étoit justement avant-hier ; cela est d’une diligence qui feroit une espèce de consolation à toute autre absence que la vôtre ; mais, ma chère enfant, il est impossible de ne pas entrer tendrement comme vous dans le malheur d’être tous séparés, étant tous aussi bien ensemble que nous y sommes, et nous entendant aussi parfaitement : vous ne sauriez douter que cet endroit ne me soit sensible. Je vous dirai demain le bon état où sera ma jambe, et j’espère qu’après-demain mon fils vous apprendra ma guérison ; j’en suis si persuadée, que sans notre scrupuleuse exactitude, voyant que tout ne va que deux jours plus tôt ou deux jours plus tard, nous aurions chanté victoire dans nos lettres. Ma jambe est comme l’autre : plus de rougeur, plus de fluxion, plus de douleur ; n’est-ce pas une cruauté de vous faire languir après une chose qui nous est assurée ?

Parlons, ma très-chère, de la journée des monstres :