Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/353

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1685 elle est tout admirable et toute prodigieuse. Nous avons ri aux larmes de vos trois visites ; la première est une véritable peinture, dont je me représente parfaitement l’original. Ne me venez point parler de mes lettres et de mes narrations : si vous revoyiez et si vous lisiez les vôtres, vous seriez obligée d’avouer que je ne suis pas le meilleur peintre de l’hôtel de Carnavalet ; enfin nous avons le regret de sentir mieux que vous le charme de vos lettres. La maison où l’amour de mon nom vous a fait aller, est encore une description rare et qui est au naturel ; vous pouviez ajouter à la figure de Mme  de Bussy, l’air que lui donnoit le toupet et la fontange de cette modeste personne, dont il sembloit que les meubles vinssent d’être jetés par les fenêtres : il faut avoir bien de la force dans l’imagination pour rappeler le souvenir des noms au milieu de tout cela. Mais notre souper[1] d’hier au soir, ma fille, il me semble qu’il étoit fort beau, fort bien servi ; je m’y trouvai[2] avec la fleur de mes amis ; je serois bien fâchée que la colique de M. de Lamoignon l’eût empêché d’y venir ; M. de Coulanges m’en a fait peur ; mais non, tout a été parfait, et l’on a chanté gaudeamus[3], mes frères. Ce petit Coulanges vaut trop d’argent, je garde toutes ses lettres. On me mande que le Roi veut donner un meilleur air au Palais-Royal, et veut éloigner la maîtresse et l’amant[4], et Coulanges m’écrit là-dessus que sa femme dit : « Le Roi a trop de

  1. Lettre 950. 1. — Voyez la lettre précédente, p. 342.
  2. 2. Mme  de Sévigné se transportoit en esprit partout où elle s’imaginoit qu’étoit Mme  de Grignan. (Note de Perrin.)
  3. 3. « Réjouissons-nous. »
  4. 4. « On sut que le Roi avoit parlé à Monsieur sur les mœurs de beaucoup de ses domestiques, et qu’il l’avoit prié de faire cesser le commerce de M. le chevalier de Lorraine avec Mme  de Grancey, ce que Monsieur lui promit. » (Journal de Dangeau, 27 décembre 1684.)