un fort bon de la poudre de Josson, si la cicatrice de ma plaie avoit besoin de ce secours ; mais je suis guérie, grâce à Dieu, et à la vôtre[1], comme on dit ici : je me promène avec plaisir, et je récompense le temps perdu. Vous avez raison de louer l’abbé de Polignac comme vous faites ; il est vraiment très-aimable, et c’est une tête bien organisée que la sienne ; mais vous parlez bien légèrement de son frère : il me semble qu’il glisse des mains. Je plains fort M. et Mme de Guitaut : une transaction disputée me fait transir ; il n’y a donc rien de sûr. Vous soutiendrez la vôtre contre Aiguebonne, il est en malheur.
956. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN ET AU MARQUIS DE GRIGNAN.
Me voilà, ma chère Comtesse, tout aussi avancée que vous et que mon marquis. Je fis mon lundi gras avec la princesse : un petit dîner aussi bon, aussi délicat, aussi propre qu’il est possible ; elle me parla de mascarade, je lui lus celle de vos petits Indiens, que vous contez fort joliment. Hier, je donnai à dîner à un pauvre ami de la vérité, fort bon homme, fort saint homme, fort anachorète, qui étoit supérieur du séminaire de feu Monsieur d’Aleth[2], qui a puisé dix ans à cette source, qui a fermé les yeux et baisé les pieds au saint prélat, et puis s’est retiré dans sa famille. Il n’a parlé qu’à moi depuis deux ans qu’il est en ce pays : nous connoissons les