Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/394

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1685 pas d’être occupée de moi et de me donner des soins. Mais je suis fort en peine du chevalier ; vous me représentez son. mal d’une étrange manière ; il est bien malheureux que les pilules, si salutaires à tout le monde, lui soient si mauvaises ; c’est cela qu’on doit appeler des maux et des douleurs, quand on n’a point de situation et qu’on étouffe : j’en suis vraiment affligée. La fièvre de M. de Grignan me paroît moins considérable ; ne le faites point tant saigner, les médecins sont cruels. Mais vous, mon enfant, je ne puis croire que parmi tout cela vous soyez en bonne santé ; le printemps vous fait toujours quelque émotion : dites-moi dans quel état vous êtes ; parlez-moi aussi sincèrement que je vous parle, et surtout ôtez-moi du nombre de vos inquiétudes. Celles de la duchesse du Lude[1] sont trop bien fondées ; vous me représentez son mari dans un étrange anéantissement : nos capucins seroient bien loin de donner de la bouillie dans cet état, ils donneroient de bons cordiaux qui vont retirer une âme des portes de la mort. J’ai vu depuis peu la procureuse générale, autrement la petite personne[2] que nous connoissons tant ; elle est toujours fort aimable ; nous fûmes fort aises de nous voir : je voudrois que vous l’eussiez entendue conter, mais plutôt son mari, car elle étoit morte, dans quelle extrémité la laissa le grand médecin de ce pays, et de quelle manière habile et miraculeuse les capucins la retirèrent de cette agonie ; c’est un récit digne d’attention. Vous me direz : « C’est qu’elle ne devoit pas mourir. » Je le crois plus que personne, mais je ne puis m’empêcher d’admirer et d’honorer les causes secondes dont Dieu se sert pour redonner la vie à une

  1. 3. Voyez tome II, p. 143, fin de la note 2.
  2. 4. La Bédoyère, le mari de la petite personne, était procureur général au parlement de Bretagne. Voyez ci-dessus, p. 305. — Dans l’édition de 1754 : « la P. générale. »