Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/537

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1686 qui étoit avec lui, lui dit : « Monsieur, je vois ce que vous voyez. » Vernillon ne voulant pas lui dire pour le laisser parler naturellement, ils entrèrent dans le château, et prièrent le concierge de donner la clef du cabinet des armes ; il y va et trouva toutes les fenêtres fermées, et un silence qui n’avoit pas été troublé, il y avoit plus de six mois. On conta cela à Monsieur le Prince ; il en fut un peu frappé, puis s’en moqua. Tout le monde sut cette histoire et trembloit pour Monsieur le Prince, et voilà ce qui est arrivé. On dit que ce Vernillon est un homme d’esprit, et aussi peu capable de vision que le pourroit être notre ami Corbinelli, outre que ce valet eut la même apparition. Comme ce conte est vrai, je vous le mande, afin que vous y fassiez vos réflexions comme nous.

Depuis que cette lettre est commencée, j’ai vu Briolle[1], qui m’a fait pleurer les chaudes larmes par un récit naturel et sincère de cette mort : cela est au-dessus de tout ce qu’on peut dire. La lettre qu’il a écrite au Roi est la plus belle chose du monde, et le Roi s’interrompit trois ou quatre fois par l’abondance des larmes : c’étoit un adieu et une assurance d’une parfaite fidélité, demandant un pardon noble des égarements passés, ayant été forcé par le malheur des temps ; un remerciement du retour du prince de Conti, et beaucoup de bien de ce prince ; ensuite une recommandation à sa famille d’être unis[2] : il les embrassa tous, et les fit embrasser devant lui, et promettre de s’aimer comme frères ; une récompense à tous ses gens, demandant pardon des mauvais exemples ; et un christianisme partout et dans la réception des sacrements, qui donne une consolation et une admiration éternelle. Je fais mes compliments

  1. 7. Voyez tome III, p. 207, note 13.
  2. 8. Tel est le texte de la première édition (1773).