Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/63

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1680

de charles de sévigné.

Je voudrois bien vous dire quelque chose qui pût répondre au style de cette lettre ; mais cela m’est impossible par plusieurs raisons ; je suis de plus en fort méchante humeur : ma mère vous en touche un petit mot en passant. Je ne vois que M. de la Reynie qui puisse me faire justice de la trahison qu’on m’a faite. Si j’y avois contribué, je me condamnerois ; mais qui croiroit qu’une personne qu’on voit assise chez la Reine traiteroit son homme comme elle m’a traité, et qu’elle offriroit pour toute consolation des remèdes aussi bizarres que ceux qu’elle me propose ? Je croyois que mon dégoût pour sa figure, joint à la froideur de mon procédé, me sauveroit ; mais malheureusement mon naturel n’a été que trop bon, et j’ai confondu d’une manière bien cruelle les mauvais bruits qui couroient de moi. Avouez, ma belle petite sœur, que voilà un beau détail ; mais le moyen de parler d’autre chose que de ce qui touche si sensiblement ? Je ne vous embrasse point, je vous baise encore moins : ce n’est pas que peut-être je [ne] me porte fort bien ; mais peut-être aussi je me porte fort mal ; l’alternative est fâcheuse, et peut-être est gaillard, comme disoit notre ami. Je suis très-humble serviteur de M. de Grignan.

Oui, mon frère, je suis un méchant, un coupable,
Un malheureux pécheur rempli d’iniquité[1].


de madame de sévigné.

Que peut-on dire à un aveu si sincère ? En vérité, je suis fort effrayée de ce peut-être sur lequel nous vivons.

  1. 11. Voyez la scène vi de l’acte III du Tartuffe. Seulement le second vers est :

    Un malheureux pécheur tout plein d’iniquité.