Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/128

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Vous me demandez à quelle étude je m’occupe : à quoi je réponds qu’après avoir lu quelque histoire et bien des livres de politique moderne, j’ai trouvé à m’occuper sur les propositions du Molinos[1]; et comme on m’a assuré qu’elles sont conformes aux sentiments de sainte Thérèse et d’autres mystiques, j’ai lu le Château de l'âme[2] et ses autres ouvrages ; et en effet j’ai rencontré presque toute la doctrine de ce condamné. Je lirai dans peu le Chrétien intérieur, par un solitaire[3], fait, imprimé par Bernières[4] trésorier de France à Caen. De vous dire à quoi la théologie mystique me peut être utile, je n’en sais rien : mais enfin je défie tous les directeurs d’en savoir autant que moi seul, et de connoître les replis du cœur, par rapport à la sainteté chrétienne, aussi bien que moi. J’aimerois cependant mieux étudier les fiefs avec vous, quoique

  1. 2 Michel Molinos, théologien quiétiste, qu’il ne faut pas confondre avec le jésuite Molina, était né en 1627 près de Saragosse, et mourut en prison en 1696. Il avait publié en 1675 un ouvrage intitulé la Guide spirituelle pour dégager 'lâme des objets sensibles et pour la conduire par le chemin intérieur à la contemplation parfaite et à la paix intérieure. Soixante-huit propositions de Molinos furent condamnées par le pape Innocent XI, en 1687. On appelait ses partisans molinosistes ; ceux de Molina, molinstes.
  2. 3. C’est le titre que porte cet ouvrage de piété mystique dans les Œuvres de sainte Thérèse, de la traduction de M. Arnauld d’Andiïly. Paris. M.DC.LXX. L’original est intitulé Castillo interior o las Moradas, « Château intérieur ou les (sept) demeures, » Dans ce livre la sainte compare l’âme à un superbe château dont l’oraison est la porte. Avant la traduction d’Arnauld il en avait paru une, en 1644, du P. Cyprien, carme déchaussé.
  3. 4. Le Chrestien intérieur ou la conformité intérieure que doivent avoir les chrestiens avec Jésus- Christ, divisé en huit livres, qui contiennent des sentimens tous divins, tirez des écrits d’un grand serviteur de notre siècle. Par un solitaire. Paris. M.DC.LXII.
  4. 5. Bernières de Louvigny, conseiller du Roi et trésorier de France à Caen, mourut en 1659, à l’âge de cinquante-sept ans. Il était grand ennemi des jansénistes. Voyez le Port-Royal de M. Sainte-Beuve, tome II, p. 292, note 1.