Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/13

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1687 peut-être manquer M. de Montjeu aux droits de l’hospitalité : rien n’est plus joli.

Il me semble que je vous dois remercier des soins que vous prenez d’embellir Chaseu. Cette situation charmante mérite bien la peine que vous y prenez. Je comprends aisément que vous aimez les Toulongeons, les Ragnis et tout Montjeu : cela fait une bonne société. Je rencontrai l’autre jour Monsieur d’Autun, qui me dit merveilles de vous tous. Je crois que Toulongeon est bien aise d’être riche, et de manger dans de la vaisselle d’argent, et d’ajuster Alonne. Monsieur d’Autun me dit hier que ma tante avoit payé les dettes de son fils avant mourir. J’en suis surprise et bien aise ; car je craignois toujours l’avarice, et j’étois fâchée que cette vilaine bête se trouvât dans mon sang. Pour nous, mon cousin, nous en sommes, Dieu merci, bien exempts. Cette Provençale est bien nette aussi de ce côté-là. Ce qu’elle a de Rabutin, joint à Sévigné et à Grignan, la met fort à couvert d’en être soupçonnée. Elle est toujours à Paris, occupée à plusieurs affaires. Elle a eu le plaisir de voir Mlle  de Grignan faire une donation à Monsieur son père[1] de tout ce qu’il lui devoit, qui ne montoit pas à moins de quarante mille écus. Cette maison est un peu soulagée par ce présent, qui étoit un pesant fardeau pour elle. Cette sainte fille, ayant pris le voile blanc à vingt-cinq ans aux Carmélites, et en étant sortie par la délicatesse de son tempérament, qui n’a pu soutenir la règle, a voulu, en entrant pensionnaire dans un autre couvent, où elle fait peu de dépense, donner cette marque d’amitié à sa maison. Je crois que vous en avez assez pour votre cousine pour prendre part à ce petit bonheur : elle y a fait merveilles[2],

  1. 2. Le manuscrit porte par erreur frère.
  2. 3. Voyez au tome VII, p. 522 à 524, la lettre du 25 octobre 1686