Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/147

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tout confit en dévotion spéculative. J’espère toujours qu’en se jouant ainsi avec elle, il s’y attrapera, et se trouvera tout empêtré dans ses méditations comme un oiseau dans de la glu. Il est certain toujours que le monde, ni tout ce qui s’y passe, ne lui paroît pas digne de l’occuper, et qu’il passe sa vie dans les saintes réflexions et dans l’exercice de la charité du prochain. Il me semble que Dieu veut faire de lui quelque chose d’extraordinaire. J’ai toujours dans la tête de dire à Dieu, comme Polyeucte disoit de Pauline en parlant de son âme

Seigneur, de vos bontés il faut que je l’obtienne; Elle a trop de vertus pour n’être pas chrétienne Avec trop de mérite il vous plut la former, Pour ne vous pas connoître et ne vous pas aimer"(15).

Pour vous, Monsieur, vous avez des grâces de toutes les manières, et surtout, ce me semble, un don de persévérance qui est le tout, et qui rend votre vie uniforme, comme la véritable amitié qu’on a pour vous.

1050. - DE MADAME DE SÉVIGNÉ DE CORBINELLI AU COMTE DE BUSSY RABUTIN.

Quinze jours après que j’eus écrit cette lettre (n° 1048, p. 131), je reçus celle-ci de Mme de Sévigné.

A Paris, ce 2e décembre 1687.

DE MADAME DE SÉVIGNÉ.

JE suis ravie de ne m’être pas trompée quand j’ai cru que ma grande ne vous ennuieroit pas. Ce grand


15. Polyeucte, acte IV, scène in, vers 1267-1270. LETTRE 1050. - 1. La lettre du 13 novembre précédent, p 127.