Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/175

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la forme. Je ne veux plus lire que ce livre-là pour ce qui regarde mon salut il ne me feroit pas quitter le monde comme il y a obligé le Charmel<ref>2 Louis de Ligny, comte du Charmel, capitaine des becs-à-corbin et lieutenant général de l’Ile-de-France.-- On lit dans le Journal de Dangeau, à la date du 6 novembre 1687 : « Charmel s’est senti si touché de Dieu depuis quelque temps qu’il a résolu de quitter la cour : il l’a dit au Roi ce soir, et il vendra ses charges pour être plus libre.... Sa résolution est fort étonnante, d’autant plus qu’il n’avoit que des sujets de joie et qu’il étoit fort agréablement ici et avec le Roi et avec les courtisans. » Saint-Simon ajoute : « Au milieu de la vie la plus agréable, Dieu permit que, sans dessein, il lût le Traité de la vérité de la religion chrétienne d’Abbadie, qui le toucha au point de prendre la résolution de tout quitter ; il l’exécuta avec un courage et une générosité héroïques, et résista au Roi qui le voulut retenir, et à qui seul il en fit la confidence. » Et dans une longue addition au Journal de Dangeau (tome XI, p. 29 et suivantes), toute consacrée à du Cbarmel « Il se retira sans regarder derrière soi (dans une maison voisine de l’Oratoire). Sa vie fut constante, toute de prières, de bonnes oeuvres et d’une pénitence souvent terrible, et d’autant plus qu’elle étoit de tous les moments, sans pouvoir être aperçue, sinon par les jeûnes et la frugalité en tout temps. C’étoit un homme à cilice, à pointes de fer et à toutes sortes d’inventions pareilles, qui étoit grand mangeur, plus grand jeûneur, et dont la prière étoit telle, qu’on l’a vu à genoux sans appui, sans livre et en même posture, un vendredi saint, depuis quatre heures du matin jusqu’à près de dix heures, à plate terre, dans une chapelle derrière le chœur de la Trappe, où il passoit d’ordinaire les carêmes, au réfectoire matin et soir, et le premier et le dernier au chœur à tous les offices du jour et de la nuit, etc. » Du Charmel se lia avec Nicole et les jansénistes, refusa de voir le Roi, et reçut le 1er février 1706 une lettre de cachet, « qui, continue Saint-Simon, ne laissa pas vingt-quatre heures au Charmel pour partir. Elle l’exiloit à la vérité en sa maison du Charmel près Château-Thierry, qu’il avoit fort raccommodée; mais elle l’y tint cloué avec tant de sévérité qu’il ne lui fut jamais permis d’en découcher. 11 y passa le reste de sa vie. La pierre se déclara, mais la rancune du Roi fut plus dure qu’elle. Il fit demander permission de se venir faire tailler à Paris, et il exposa tout l’abandon d’une campagne dans une opération aussi dangereuse et il en fut opiniâtrement refusé. Il le fut donc au Charmel, et il en mourut presque aussitôt après (au mois de février 1714). » Voyez encore les Mémoires de Saint-</ref name=p175>. (quand je ne serois non