Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/233

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fait une pitié et une peine extrême, et j’admire(3) le pouvoir qu’elle a sur elle. Pour moi, je jouirois de cette jolie petite société qui vous doit faire un amusement et une occupation : je la ferois travailler, lire de bonnes choses, mais point trop simples ; je raisonnerois avec elle, je verrois de quoi elle est capable, et je lui parlerois avec amitié et avec confiance ; jamais vous ne serez embarrassée de cette enfant au contraire, elle pourra vous être utile(4):enfin j'en jouirois, et ne me ferois point le martyre, au milieu de tous ceux dont la vie est pleine(5), de m’ôter cette consolation.

J’aime fort que le chevalier vous dise du bien de moi ; mon amour-propre est flatté de ne lui pas déplaire; s’il aime ma société, je ne cesse de me louer de la sienne c’est un goût bien juste et bien naturel que de souhaiter son estime. Je ne sais, ma fille, comment vous pouvez dire que votre humeur est un nuage qui cache l’amitié que vous avez pour moi ; si cela étoit dans les temps passés, vous avez bien levé ce voile depuis plusieurs années, et vous ne me cachez rien de la plus tendre et de la plus parfaite amitié qui fut jamais. Dieu vous en récompensera par celle de vos enfants, qui vous aimeront, non pas de la même manière, car peut-être qu’ils n’en seront pas capables, mais de tout leur pouvoir, et il faut s’en contenter(6).Vous me représentez le bâtiment de

3. « ...et une peine extrême j’admire, etc. » (Édition de 1754. 4. Les deux membres de phrase:« jamais vous ne serez, etc., » et «  au contraire, etc.» manquent dans le texte de 1737, qui reprend ainsi « j’en jouirois donc, et ne me ferois point, etc 5. Les mots « au milieu de tous ceux dont la vie est pleine, » ne sont pas dans l’édition de 1754. 6. « Non pas de la même manière, ils n’en seront peut-être pas capables, mais au moins de tout leur pouvoir, et il faut s’en contenter. » (Édition de 1754.)- Les deux phrases qui terminent l’alinéa et celle qui commence l’alinéa suivant manquent dans l’impression de 1737.