Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/240

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cendre la tranchée. Monseigneur y est tous les jours. Le marquis est gaillard, il écrit joliment à Martillac ; j’ai envie qu’elle soit auprès de vous. Je plains infiniment le chevalier : la goutte le chicane, tantôt à une main, tantôt à l’autre, et souvent des douleurs et d’assez méchantes nuits. Je voudrois bien pouvoir adoucir ses maux ; mais il est accoutumé à vos soins, qui sont consolants, et si précieux, qu’on ne fait en vérité qu’une pauvre représentation. Nous mangeons ensemble dans cette petite chambre : je suis destinée pour cette pauvre cellule. Le café est tout à fait disgracié ; le chevalier croit qu’il l’échauffe, et qu’il met son sang en mouvement ; et moi en même temps, bête de compagnie, comme vous me connoissez, je n’en prends plus ; le riz prend la place je me garde le café pour cet hiver. Vous ne me parlez point de votre santé. Ah que je crains vos nuits, et la surprise de l’air de Grignan Que cette bise qui vous a tant fait avaler de poudre a été désobligeante et incivile ce n’étoit pas ainsi qu’il falloit vous recevoir. Je vous avoue que je tremble pour votre santé : la mienne est tout à fait remise, je dors mieux, ma langue n’est plus une méchante langue, elle est toute rendue à son naturel. Il y a des temps, et des jours, et des nuits difficiles à passer et puis, sans pouvoir jamais être consolée ni récompensée de ce qu’on a perdu, on se retrouve enfin dans son premier état, par la bonté du tempérament : c’est ce que je sens présentement, comme si j’étois une jeune personne. J’ai en perspective de vous aller voir, et cette pensée me fait subsister. Je comprends que vous êtes tout en l’air par le dérangement de votre assemblée[1] ; vous serez donc, comme je le souhaitois, hors de l’air de Grignan ; je vous

  1. 4. L’assemblée des Communautés de Provence s’ouvrit en 1688 à Lambesc, le 15 novembre, et fut close le 3 décembre.