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1084— DE MADAME DE SÉVIGNÉ

A MADAME DE GRIGNAN.

A Paris, ce lundi 6è novembre.

C’EST aujourd’hui que vous partez, ma chère Comtesse, nous vous suivons toujours pas à pas[1] Voilà un fort beau temps ; la Durance ne doit pas être si terrible qu’elle l’est quelquefois. Il est vrai, que c’est comme par dépit que vous vous éloignez encore de nous[2] ; à la fin, vous vous trouverez sur le bord de la mer. Ma fille, Dieu veut qu’il y ait dans la vie des temps difficiles à passer ; il faut tâcher de réparer, par la soumission à ses volontés, la sensibilité trop grande que l’on a pour ce qui n’est point lui. On ne sauroit être plus coupable que je le suis sur cela[3].

Monsieur le chevalier est bien mieux. Ce qui est cruel, c’est que le temps qui lui est bon, est justement celui qui peut servir à détrôner[4] le roi d’Angleterre ; et ces jours passés il crioit[5] et souffroit beaucoup, quand le vent et la tempête dissipoient la flotte du prince d’Orange[6] il se trouve malheureux de ne pouvoir accorder l’intérêt de




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  1. 1LETTRE 1084. 1. « Nous vous suivons pas à pas. » (Édition de 1754.) L’impression de 1737 n’a pas la phrase suivante « Voilà, etc. ».
  2. 2. « Que vous vous éloignez toujours de nous. » (Édition de 1754.)
  3. 3. « Que je le suis à cet égard. » {Ibidem.)
  4. 4— « Qui peut détrôner, (Ibidem.)
  5. 5. « Le chevalier crioit. » (Édition de 1737.)
  6. 6. Au moment où la flotte hollandaise était à peu près à moitié chemin entre la Hollande et l’Angleterre, le vent avait passé brusquement à l’ouest, et y était resté près de douze heures avec une extrême violence. Le Prince, qui montait la frégate nommée le Brill, rentra à Helvoetsluys, et quoique souffrant du mal de mer, il ne voulut pas débarquer, pour montrer à tous sa résolution de repartir sans délai, dès que le vent le permettrait. Le bruit que le vaisseau amiral avait coulé à fond était faux. Voyez Macaulay, chapitre IX, tome III, p. 279 et 280, et la Gazette du 13 novembre.