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1687

1015. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ ET DE CORBINELLI AU COMTE DE BUSSY RABUTIN.

Trois semaines après que j’eus écrit cette lettre, je reçus celle-ci de Mme de Sévigné.
À Paris, ce 10e mars 1687.

de madame de sévigné.

Voici encore de la mort et de la tristesse, mon cher cousin. Mais, le moyen de ne vous pas parler de la plus belle, de la plus magnifique et de la plus triomphante pompe funèbre qui ait jamais été faite depuis qu’il y a des mortels ? C’est celle de feu Monsieur le Prince, qu’on a faite aujourd’hui à Notre-Dame[1]. Tous les beaux esprits se sont épuisés à faire valoir tout ce qu’a fait ce grand prince, et tout ce qu’il a été. Ses pères sont représentés par des médailles jusqu’à saint Louis ; toutes ses victoires par des basses-tailles[2], couvertes comme sous des tentes dont les coins sont ouverts, et portés par des squelettes, dont les attitudes sont admirables. Le mausolée, jusque près de la voûte, est couvert d’un dais en manière de pavillon encore plus haut, dont les quatre coins retombent en guise de tentes. Toute la place du chœur est ornée de ces basses-tailles, et de devises au-dessous, qui parlent de tous les temps de sa vie. Celui de sa liaison avec les Espagnols est exprimé par une nuit obscure, où trois mots latins disent : Ce qui s’est fait loin du soleil doit être caché[3]. Tout est semé de fleurs de lis

  1. Lettre 1015. — 1. La Gazette, qui décrit cette pompe funèbre dans son numéro du 15 mars, la place, par erreur, au 11.
  2. 9. Des bas-reliefs.
  3. 3. C’est peut-être cette devise qui donna à Michel Corneille l’idée d’un tableau que l’on voyait à Chantilly. La Muse de l’histoire arrachait de la vie du héros les feuillets sur lesquels étaient écrits les