Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/377

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1115 DE MADAME DE SÉVIGNÉ

A MADEMOISELLE DE SCUDERY.

Mardi[1].

Que voulez-vous dire de rare mérite, Mademoiselle ? Peut-on nommer ainsi un autre mérite que le vôtre ? j’en suis si persuadée, que si j’étois véritablement endormie, tous mes songes ne seroient que sur ce point. Mais croyez, Mademoiselle, que je ne le suis point, que je pense très-souvent à vous comme il y faut penser : tout mon crime, c’est de ne point témoigner des sentiments si justes et si bien fondés ; mais attaquez-moi dans quelque moment que ce puisse être, et vous me retrouverez tout entière comme dans le temps où vous avez été la plus persuadée de mon amitié. Ce sont des vérités que je vous dis, Mademoiselle elles ne sauroient être mal reçues de vous. Je suis, comme vous voyez, le contraire d’une hypocrite d’amitié : pourroit-on dire qu’on est une hypocrite d’oubli?

Je vous rends mille grâces de vos livres j j’en avois ouï parler, je les souhaitois, et vous m’avez donné une véritable joie. L’agrément de ces Conversations.. et de cette morale ne finira jamais; je sais qu’on en est fort agréa-

  1. LETTRE 1115. 1. Cette lettre, datée simplement du mardi, a été écrite évidemment en 1688. Il est probable qu’elle est de juillet ou du commencement d’août, peut-être du 3 (c’était un mardi en 1688), c’est-à-dire du même jour que la lettre de Mme de Brinon dont il est parlé dans la note suivante.- Mile de Scudéry venait de publier ses Nouvelles conversations de morale, dédiées au Roi, qui faisaient suite à celles dont Mme de Se vigne la remerciait dans la lettre du 11 septembre 1684, tome VII, p. 374. (Note dé l' édition de 1818.) L’Achevé d’imprimer de ce nouvel ouvrage, en deux volumes, est du 30 juin 1688, et Mme de Sévigné ne fut sans doute pas des dernières à qui Mlle de Scudéryy l’envoya.