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1121 DE MADAME DE SÉVIGNÉ

A MADAME DE GRIGNAN.

A Paris, ce lundi 10è janvier.

Nous pensons souvent les mêmes choses, ma chère belle; je crois même vous avoir mandé des Rochers ce que vous m’écrivez dans votre dernière lettre sur le temps. On consent quelquefois qu’il avance les jours n’ont plus rien alors de si cher, ni de si précieux; mais quand vous étiez à l’hôtel de Carnavalet, je vous l’ai souvent dit, je ne rentrois jamais sans une joie sensible, je ménageois les heures, j’en étois avare : dans l’absence : ce n’est plus cela, on ne s’en soucie point, on les pousse même quelquefois ; on avance[1] dans un temps auquel on aspire ; c’est cet ouvrage de tapisserie que l’on veut achever ; on est libérale des jours, on les jette à qui en veut. Mais, ma chère enfant, je vous avoue que quand je pense tout d’un coup2. [2] où me conduit cette dissipation et cette magnificence d’heures et de jours, je tremble, je n’en trouve plus d’assurés, et la raison me présente ce que certainement je irouverai dans mon chemin[3]. Ma fille, je veux finir ces réflexions avec vous, et tâcher de les rendre bien solides pour moi.

  1. LETTRE 1 (revue en grande partie sur une ancienne copie). 1. « Je consens maintenant qu’il avance : les jours n’ont plus rien pour moi de si cher ni de si précieux ; je les sentois ainsi quand vous étiez à l’hôtel de Carnavalet, je les goûtois, je ménageois les heures, j’en étois avare ; mais dans l’absence ce n’est plus cela, on ne s’en soucie point, on les pousse même quelquefois ; on espère, on avance. » (Edition de 1754.)
  2. « Que quand je pense enfin. » (Ibidem)
  3. 3. « Ce qu’infailliblement je trouverai dans mon chemin,» (Ibidem.) La phrase qui suit n’est que dans le texte de 1754. Notre manuscrit commence avec l’alinéa suivant. Comparez la fin de la lettre du 28 mars 1689.