Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/412

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

4o6

£689

1122. DE MADAME DE SÊVIGNÉ

A MADAME DE GRIGNAN.

A Paris, ce mercredi 12" janvier.

Vous étiez retirée [1] à cinq heures du soir, ma chère enfant : vous avez donc fait vos Rois à dîner ; vous étiez en fort bonne compagnie, et aussi bonne qu’à Paris. Il ne tiendra pas à moi que l’Archevêque [2] ne sache que vous êtes contente de lui ; je le dis l’autre jour à Mme de la Fayette, qui en fut fort aise ; elle a dans la tête[3] que vous ne preniez point tous deux l’esprit ni les pensées de Provence.

Mais parlons du roi et de la reine d’Angleterre : c’est quelque chose de si extraordinaire d’avoir là cette cour, qu’on s’en entretient sans cesse. On tâche de régler les rangs, et de faire vie qui dure avec gens[4] si loin d’être rétablis. Le Roi le disoit l’autre jour, et que ce roi étoit le meilleur homme du monde, qu’il chasseroit avec lui, qu’il viendroit à Marly, à Trianon, et que les courtisans devoient s’y accoutumer. Le roi d’Angleterre ne donne point la main[5] à Monseigneur, et ne le reconduit pas. La reine n’a point baisé Monsieur, qui en boude ; elle a dit au Roi « Dites-moi comment vous voulez que je fasse ; si vous voulez que ce soit à la mode de France, je saluerai qui vous voudrez : pour la mode d’Angleterre, c’est que je ne baisois personne. Elle a été voir Madame la Dauphine, qui est malade, et qui l’a reçue dans son lit. On ne s’assied point en Angleterre; je crois que les



ï737.)

  1. LETTRE 1122. 1. « Vous êtes retirée. » (Édition de 1754.)
  2. 2. M. de Cosnac, archevêque d’Aix.
  3. 3. « Elle a résolu. » (Édition de 1754.)
  4. 4. « Afin de faire vie qui dure avec des gens, etc. » (Édition de 1737)
  5. 5. On sait que donner la main, c’était céder la droite.