Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/457

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ils en vouloient user avec ce prince, pour le rang de lieutenant général ; ils lui répondirent qu’ils savoient bien le respect qu’ils lui devoient, en toute autre rencontre, mais que lorsqu’il s’agissoit d’un poste d’honneur ; on ne le cédoit à personne. Il me demanda si j’étois son ancien, et en ce cas, comment je voulois faire je lui montrai ma commission, qui étoit quinze mois [1]10. avant celle du prince, mais que je lui céderois le rang de bon cœur, quand il devroit êtrc maréchal de France avant moi. M. de Turenne sourit, et me dit que je faisois mon devoir. M. le duc d’York, qui sut comment je m’étois distingué des autres, m’en remercia et me témoigna toujours depuis beaucoup d’amitié, et comme le marquis de Bussy lui fut présenté dernièrement à Saint-Germain, il lui demanda d’abord de mes nouvelles, et lui dit que j’avois servi à Landrecy avec lui. Voilà le sujet de ma lettre, dont je vous envoie la copie. La fortune, qui est une grande folle, n’en a jamais donné tant de marques que dans la vie de Lauzun. C’est un des plus petits hommes, pour l’esprit aussi bien que pour le corps, que Dieu ait jamais fait ; cependant nous l’avons vu favori, nous l’avons vu noyé, et le revoici sur l’eau; ne savez-vous pas un jeu où l’on dit : Je l’ai vu vif, je l’ai vu mort, je l’ai vu vif après sa mort[2]son attachement pour si peu de chose. Nous en dirons bien d’autres tête à tête, Madame.

  1. 10. Le mot mois a été sauté dans notre manuscrit.
  2. 11. ce dicton populaire, ainsi que Mme de Sévigné l'appelle plus bas, page 533, revient dans la lettre du 13 septembre 1690.