Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/52

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1687 venir, qu’il soit marqué pour cette charge, qui a fait le commencement de sa vie, ou pour la sous-lieutenance.

Vos réflexions sont tristes et justes sur la déroute de la maison de Créquy. Canaples reste seul des trois frères, après toutes ses tribulations et tous ses maux, que vous marquez si bien[1]. Mais il y a un petit Blanchefort[2] resté du naufrage, revenu glorieux de Hongrie, beau, bien fait, sage, honnête, poli, et affligé, sans être abattu, des malheurs de sa maison, qui trouve tous les chemins bien préparés à le recevoir agréablement dans le monde. Il console fort les gens de l’absence de son frère[3] qui n’avoit nulle de ses bonnes qualités, et il fera peut-être une aussi grande fortune que ses pères, se voyant présentement à la hauteur de tous les autres. Rien, à mon avis, n’est meilleur pour être honnête homme, que d’avoir à recommencer une fortune tout entière.

Je suis persuadée comme vous que la destinée de la pauvre duchesse d’Estrées auroit été changée si elle avoit été attachée à la vôtre. La dignité lui a porté malheur, et l’a livrée à l’apoplexie, qui a commencé à l’attaquer par la perte de son aimable esprit, ce qui est, à mon sens, un plus grand malheur que la mort.

Notre ami Corbinelli me montra l’autre jour un fac-

  1. 2. Voyez la lettre de Bussy du 20 février précédent, p. 22 et 23.
  2. .3. Charles-François de Créquy, marquis de Blanchefort, maréchal de camp des armées du Roi, second fils du maréchal de Créquy. Il mourut à Tournay, sans avoir été marié, le 16 mars 1696, à l’âge de vingt-sept ans. Voyez la lettre du 29 mars 1696. « M. le maréchal son père, dit le Mercure de février 1687 (p. 313), se voyant prêt de mourir, le fit apporter, « tout malade que ce jeune comte (il est nommé dans le Mercure « comte de Blanchefort » ) étoit, pour lui recommander de craindre Dieu et d’avoir un attachement inviolable pour le service du Roi. »
  3. 4. François-Joseph, marquis de Créquy. Voyez plus haut, p. 22, note 8.