Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/73

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regardait sa personne, parce qu’en ce cas-là il ne lui parleroit jamais de moi ; sinon, qu’il ne trouvât pas mauvais qu’il lui parut toujours mon ami, comme quand j’étois en liberté. Le Roi lui répondit ce que le roi Philippe second fit dire à son fils(6) en le faisant étrangler, que c’étoit pour son bien, et qu’il s’alloit perdre : qu’il me faisoit mettre à la Bastille pour empêcher mes ennemis de m’assassiner. Pendant les treize mois que je fus en prison, il ne se passa guère de semaine que Saint-Aignan ne dît quelque chose au Roi sur mon sujet (7). Toutes les fois que Mme de Bussy voulut persécuter Sa Majesté, ce fut par le moyen de mon ami, et enfin l’un et l’autre ayant fait valoir ma maladie ils me sortirent de la Bastille(8). Durant les seize années de mon exil, hormis une lettre que présenta M. de Pompone au Roi de ma part, et Mme de Thianges une autre, mon ami lui en donna vingt, et après avoir obtenu pour moi quatre permissions de venir à Paris pour travailler à mes affaires pendant ces seize années, il n’a pas eu de cesse que Sa Majesté ne m’ait fait retourner à la cour. Je ne vous dis pas les tournois qu’il a soutenus pour me défendre contre tout le monde, les premiers jours que je fus arrêté, et entre autres contre Humières, qui lui

6. Philippe II, roi d’Espagne, arrêta lui-même, dans la nuit du 18 janvier I568, son fils don Carlos, soupçonné d’intelligence avec les révoltés des Pays-Bas. Don Carlos mourut six mois après, le 15 juillet 1568, et toute l’Europe accusa Philippe II d’avoir été son bourreau. Voyez sur ce point d’histoire les deux ouvrages, intitulés Don Carlos et Philippe II, que viennent de publier M. Gachard et M. Ch. de Mouy. 7.L’édition de 1697, où cette lettre a de très-grandes lacunes, ajoute ici : « et souvent avec une hardiesse pardonnable seulement à l’amitié qu’il avoit pour moi. ». 8.Le 16 mai 1666 : voyez tome I p.515 et 516, note 3.