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1687

1007. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ ET DE CORBINELLI AU PRÉSIDENT DE MOULCEAU.

À Paris, le jour des Rois 1687.

de madame de sévigné.

Je laisse à part tout ce que je pourrois répondre à vos réflexions morales et chrétiennes, et je crois même que ce ne seroit pas une réponse que j’y ferois, ce ne seroit qu’une répétition. Je vous rendrois vos paroles, et ma lettre ne seroit que l’écho de la vôtre, parce que je suis assez heureuse pour penser comme vous dans cette occasion. J’aime donc bien mieux vous gronder, et vous dire que vous êtes vraiment bien délicat et bien précieux, de vous trouver atteint d’une petite attaque de décrépitude, parce que vous êtes grand-père, et que Madame votre fille a pris la liberté de vous en faire une autre : voilà un grand malheur ! Et à qui vous en plaignez-vous, Monsieur ? à qui pensez-vous parler ? et que feriez-vous donc, si vous en aviez une[1] qui eût pris l’habit à la Visitation d’Aix à seize ans ? Vraiment vous feriez une belle vie et moi, je soutiens cet affront comme si ce n’étoit rien ; je regarde ce mal, qui n’est point encore tombé sur moi, avec un courage héroïque ; je me prépare à toutes les conséquences avec paix et tranquillité ; et voyant qu’il faut se résoudre et que je ne suis pas la plus forte, je m’occupe de l’obligation que j’ai à Dieu de me conduire si doucement à la mort. Je le remercie de l’envie qu’il me donne de m’y préparer tous les jours, et même de ne pas souhaiter de tirer jusqu’à la lie. L’excès de la vieillesse est affreux et humiliant ; nous en voyons tous les jours un exemple qui nous afflige, le bon Corbinelli et

  1. Lettre 1007. — 1. Marie-Blanche.