Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/143

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voulons la députation pour mon fils[1] dont apparemment M. de Chaulnes sera le maitre cette année. » Tout cela passa vite dans ma tête ; je vis que je ne faisois pas bien. Je me rapproche, je lui dis « Madame, je n’ai pensé d’abord qu’à moi, et j’étois peu touchée d’aller voir M. de la Faluère ; mais seroit-il possible que vous le souhaitassiez pour vous, et que cela vous fit le moindre plaisir ? » Elle rougit, et me dit avec un air de vérité : « Ah vous pouvez penser.-- C’est assez, Madame, il ne m’en faut pas davantage, je vous assure que j’irai avec vous. Elle me fit voir[2] une joie très-sensible, et m’embrasse et sortit de table, et dit à M. de Chaulnes « Elle vient avec nous. » II dit « Elle m’avoit refusé[3] mais j’ai espéré qu’elle ne vous refuseroit pas. Enfin, ma chère fille, je pars, et je suis persuadée que je fais bien, et selon la reconnoissance que je leur dois de leur continuelle amitié, et selon la politique, et que vous-même vous me l’auriez conseillé[4]. Mon fils en est ravi, et m’en remercie : le voilà qui entre.

DE CHARLES DE SÉVIGNÉ.

Rien n’est si vrai, ma très-belle petite sœur : Mme de Chaulnes fut saisie du refus de ma mère ; elle se tut, elle rougit, elle s’appuya ; et quand ma mère eut fait sa réflexion, et lui eut dit qu’elle étoit tout prête d’aller si cela lui étoit bon, ce fut une joie si vraie et si naturelle que vous en auriez été touchée. Je ne savois ce qui se

  1. 4. Charles de Sévigné, comme il est dit dans la Notice (voyez tome 1, p. 282), aspirait à être le député de la noblesse de Bretagne, pour porter au Roi le don des états : cela s’appelait la grande députation. »
  2. 5. « Elle me laissa voir. » (Édition de 1754.)
  3. 6. «  Elle m’avoit refusé, dit M. de Chaulnes. » (Ibidem.)
  4. 7 « Et que Vous me l’auriez conseillé vous-même. » (Ibidem.)