Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/150

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des gardes, ils ont leurs lettres plus tôt que les autres. Je suis ravie d’avoir la vôtre ; elle est très-bonne, et toute pleine du souvenir et de l’écriture de tous vos Grignans, que j’aime et honore comme vous savez.

1202. DE MADAME DE SÉVIGNÉ

A MADAME DE GRIGNAN.

A Auray, ce mardi 2è août.

En[1] attendant votre lettre, je commence toujours à causer avec vous. M. de Chaulnes se repent fort de vous avoir parlé du voyage de Rome, et de faire la paix avec le pape : il ne savoit point ce qui vous revient de cette querelle avec le saint-siége. Il en est ravi, il entre dans vos sentiments, et ne dit plus d’autre oraison que la vôtre : Dieu conserve le pape ! Il assure que vous êtes son bon génie ; qu’il vous parle toujours, et vous entend. L’autre jour il me dit : « Pourquoi touchez-vous à votre tête, ma mère ? Vous y avez mal[2] ? » Je l’entends, et je lui réponds « Non, ma fille, point du tout[3]. Cela nous fait un jeu, et un souvenir continuel de l’amitié que vous avez pour moi. Je suis d’avis, ma chère enfant, qu’en badinant avec ce duc sur ce génie qui lui parle toujours, vous lui demandiez s’il ne lui a pas dit un mot sur la députation de votre frère, que vous souhaitez et que vous espérez, parce que voici précisément l’année où il peut lùi faire ce plaisir. Vous tournerez cela, ma belle, beaucoup mieux que moi, et je suis persuadée que cette sollicitation fera un grand effet. Pour vous dire le vrai

  1. LETTRE 1202. 1. Cette première phrase manque dans l’édition de 1737.
  2. 2. « Y avez-vous mal? » (Édition de 1754.)
  3. 3. « Non, point du tout. » (Édition de 1737.)