Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/152

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écoutoit, et les lisoit bien plaisamment aussi ; cela s’appelle donc, comment dites-vous, ma fille ? des effervescences d’humeur. Voilà un mot dont je n’avois jamais entendu parler9 mais il est de votre père Descartes, je l’honore à cause de vous. On trouve ici à tout moment de ses neveux, de ses nièces, tous fort honnêtes et fort aimables. Cette humeur n’est donc point tenace, elle laisse revenir à la raison ; et le même cœur qui traitoit d’ennemi son propre frère, le veut mener présentement à Balaruc, avec une dépense qui feroit assurément l’étage qui manque à son bâtiment ; mais le voilà bien ; qu’il y demeure, qu’il l’aime, qu’il l’estime toujours, et surtout qu’il suive ses conseils, voilà le tu autem §je croirai que le cœur est revenu, accompagné de la raison ; tout en ira mieux ; sans cela, je me moque de ces moments d’amitié, qui ne laissent aucun crédit à ceux que l’on aime. J’ai été ravie de voir le souvenir de Monsieur de Carcassbnne / je n’ai jamais douté qu’un peu de réflexion ne me remit bien avec lui ; ce sera bien autre chose quand nous nous reverrons.

Pour M. de Grignan, je le défie de ne me pas aimer, et sa chère femme aussi. Toutes ces choses qui occupent son esprit, ne me font nulle peur et puisqu’il tient encore à nous, comme il l’avoue, par ma belle-fille, et qu’il aime mon fils comme s’il ne lui faisoit aucun tort, je l’assure aussi que je l’aime comme s’il m’aimoit beaucoup et que je souhaite d’aller quelque jour à Grignan, comme s’il m’y souhaitoit passionnément. Que dit-il du

9. Le mot effervescence n’est pas dans le Dictionnaire de Nicot (1606), mais il est donné, à la fin du siècle, par ceux de Furetière (i6go), et de l’Académie (1694), comme terme dogmatique, » employé « dans les matières de physique  » . Nous ne l’avons pas trouvé dans Descartes, mais dans le Système de philosophie (1690) du cartésien Sylvain Régis (livre IV, partie v, chapitre III).