Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/228

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comte de Revel : nous ne savons ce que c’est dans cette province que de nommer quelqu’un sans titre[1] cependant nous nous oublions quelquefois, et nous l’appelons Revel ; mais c’est sous le sceau de la confession. Je ne veux point l’épouser, soyez en repos : il est trop galant. Vous voulez donc savoir, ma chère belle, qui sont ses chimènes. Vous en nommez deux très-bretonnes ; en voici trois autres : une jeune sênéchale qui étoit ici, et qui n’est point parente de celle que vous avez vue ; Mlle de K*** fort jolie, qui étoit à Rennes; et sur le tout, une petite Mme de la M. C*** votre nièce, car elle est petite-fille de votre père Descartes[2]elle a bien de l’esprit, et a toute la mine de croire que le feu est chaud[3] et qu’elle peut brûler et être brûlée. Cependant tout cela est si honnête, que leur amant commun paroit s’ennuyer mortellement à Rennes. Il mandoit l’autre jour à M. de Louvois que s’il avoit besoin pour quelque guerre d’hiver de l’officier du monde le plus reposé, il le faisoit souvenir de lui.

Parlons tout d’un train, ma fille, de la prévention[4] de Monsieur le chevalier : l’amitié fait-elle un tel aveuglement ? Je crois la connoître ; mais il me semble qu’elle se laisse toujours convaincre par la lumière : on n’en aime pas moins ceux qui ont tort ; mais on voit clair. Quoi ? une inconnue nommée la raison, soutenue de la vérité, heurtera à la porte, et elle en sera chassée comme de

  1. . M. de.Coulanges disoit que les enfants du parlement de Rennes naissoient tous marquis et comtes. (Note de Perrin.)
  2. . Ce mot petite-fille ne doit pas se prendre au sens propre. Il paraît que Descartes n’eut qu’une fille naturelle, qu’il perdit à l’âge de cinq ans. Voyez la Notice biographique de M. Garnier, tome I, p. XLIII de son édition de Descartes.
  3. 5. Voyez tome VI, p. 499, note 56.
  4. 6. « Parlons, ma chère fille, de la prévention, etc. » (Édition de 1737.)