Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/29

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que vous lui soyez fort obligée de toutes les amitiés que j’en reçois. Nous serons dans cette aimable maison encore six ou sept jours; et puis, par la Normandie, nous gagnerons Rennes vers le deux ou trois du mois prochain. Je vous ai mandé comme un voyage de M. de Chaûlnes avoit dérangé le nôtre. Voilà, ma chère bonne tout ce que je puis vous dire de moi, et que je suis dans la meilleure santé du monde; mais vous, mon enfant, comment êtes-vous? que je suis loin de vous ! et que votre souvenir en est près ! et le moyen de n’être pas triste? Je reçois votre lettre du samedi saint, 9è d'avril. Ma fille, vous prenez trop sur vous, vous abusez de votre jeunesse; vous voyez que votre tête ne veut plus que vous l’épuisiez par des écritures infinies si vous ne l’écoutez pas, elle vous fera un mauvais tour. Vous lui refusez une saignée pourquoi ne la pas faire à Aix pendant que vous mangiez gras enfin je suis malcontente de vous et de votre santé. Vos raisons d’épargner le séjour d’Avignon sont bonnes; sans cela, comme vous dites, il étoit trop matin pour Grignan le cruel hiver et les vents terribles y sont encore à redouter. Pour votre requête civile, nous voilà, Monsieur le chevalier et moi, hors d’état de vous y servir il croit s’en aller dans un moment; me voilà partie ce n’est pas une affaire d’un jour; Hercule ne sauroit se défaire d’Antée[1], ni le déraciner de sa chicane en trois mois : c’est donc Monsieur d’Arles qui sera chargé de cette affaire. C’est tout cela qui me faisoit dire que si vous eussiez pu venir cet hiver avec M. de Grignan, c’étoit bien le droit du jeu que vous eussiez fini entièrement cette affaire : votre présence y auroit fait des merveilles. Vous me parlez des esprits de

  1. 8. Géant de Libye, fils de Neptune et de la Terre, étouffé par Hercule. (Note de Perrin.)