Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1232.– DE MADAME DE SÉVIGNÉ A MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 6è novembre 1689.

JE voudrois déjà savoir le retour de ce pauvre oiseau[1]qui est allé rendre au pape ce que le Roi lui avoit ôté. S’il ne se noie, c’est parce qu’en nul cas on ne veut être noyé ; car s’il y a jamais eu un temps où cette fantaisie dût prendre à quelqu’un, ce seroit présentement à M. de Grignan et à vous; mais gardez-vous-en bien : il faut soutenir cette privation comme tant d’autres. M. de Chaulnes m’en écrit fort tendrement et fort plaisamment : il me mande qu’il se pourroit vanter d’avoir fourni bride la potence[2], sans la douleur mortelle qu’il à d’avoir été contraint d’offrir au pape ce charmant Comtat[3] ; qu’il le fit de si mauvaise grâce, qu’il crut qu’il le refuseroit [4] ; mais qu’il fut assez malheureux pour être trompé, et que Sa Sainteté le reçut [5], au contraire, avec un plaisir qui

  1. LETTRE 1232 (revue en grande partie sur une ancienne copie). -- 1. Le comte de Grignan, qui était allé remettre Avignon au légat du pape. -- Cette première phrase et la suivante ne sont pas ailleurs que dans notre manuscrit. Les deux éditions de Perrin commencent ainsi la lettre : « M. de Chaulnes m’écrit fort tendrement, etc. »
  2. 2. et Qu’il pourroit se vanter d’avoir fourni une assez belle. carrière. » [Éditions de 1737 et de 1754.) Nous n’avons trouvé nulle part la locution « fournir bride la potence, » que nous reproduisons d’après le manuscrit, altéré peut-être en cet endroit. Brider la potence :, en termes de manège, c’est toucher avec la lance le bois d’où pend la bague ou l’anneau, donner contre la potence, au lien d’emporter la bague. Il semble d’après cela qu’il faudrait tout au moins une négation : «  de n’avoir pas fourni bride la potence, de n’avoir pas manqué son coup. » Ce qui, dans tous les cas, nous paraît bien certain, à voir notre ancienne copie, c’est que Mme de Sévigné n’a pas écrit ce que lui fait dire Perrin «  fourni une assez belle carrière, »
  3. 3. « Le charmant Comtat. » (Éditions de 1737 et .de I754.)
  4. 4. Que Sa Sainteté le refuseroit. » (Édition de 1754.)
  5. 5. « Et que le pape le reçut. » (Ibidem.)