Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/403

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savoir[1] ce que vous êtes devenue, car nous sommes gens pleins de curiosité pour les affaires du monde et encore plus pour les vôtres.

Avez-vous été bien aise de l’augmentation des monnoies ? c’est-à-dire en bon françois, votre bourse étoit-elle bien garnie quand on a publié l’édit[2] ? La belle Madelonne passera-t-elle l’hiver à Paris ? Vous ne sauriez nous parler de choses plus considérables pour vous[3] que de ces deux choses-là, ni auxquelles nous nous intéressions davantage.

Pour vous parler maintenant de la vie que nous faisons, Madame, nous vous dirons que la plus grande partie de nous fait bonne chère, et que nous nous en sentons tous; qu’après cela, l’on se quitte pour songer chacun à ses affaires ; mais qu’on ne passe pas un jour sans se rassembler pour avoir de petites conversations sur les nouvelles du monde, ou sur quelque sujet de morale ou de religion, que l’on ne traite pas scolastiquement. Les étrennes nous ont occupés quelque temps on s’en est donné réciproquement où la façon a été plus considérable que la matière.

Il faut dire la vérité, Madame, c’est là passer doucement la vie ; mais le mal est qu’on la passe, et que plus elle est douce, plus elle paroit courte. Cependant il faut prendre notre parti et travailler à quelque chose de plus solide que tous nos amusements. Nous y sommes bien résolus; les uns pourtant prennent les affaires plus à cœur que les autres. Il y en a parmi nous qui ne se pardonnent rien, il y en a de plus indulgents vous connoissez les sévères, Madame, sans qu’on vous les nomme ;

  1. Au lieu de « nous voudrions savoir, » Bussy avait d’abord écrit « mandez-nous. »
  2. Voyez ci-dessus, p. 366, et p. 360, note 22.
  3. Pour vous a été ajouté en interligne par Bussy.