Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/406

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quelque ami d’importance, un duc, un prince[1]*, un pape (car j’y veux ajouter le saint-père pour la rareté[2]) ; toujours en santé, jamais à charge à personne, point d’affaires, point d’ambition mais surtout quel avantage de ne point vieillir !voilà le comble du bonheur. Vous vous doutez bien à peu près de certaines supputations de temps et d’années ; mais ce n’est que de loin, cela ne s’approche point de vous avec horreur, comme de quelques personnes que je connois ; c’est pour votre voisin que tout cela se fait, et vous n’avez pas même la frayeur qu’on a ordinairement, quand on voit le feu dans son voisinage. Enfin, après y avoir bien pensé, je trouve que vous êtes le plus heureux homme du monde. Ce dernier voyage de Rome est à mon gré la plus agréable aventure qui vous pût arriver ; avec un ambassadeur adorable, dans une belle et grande occasion, revoir cette belle maîtresse du monde, qu’on a toujours envie de revoir ! J’aime fort les couplets que vous avez faits pour elle, on ne sauroit trop la célébrer ; je suis assurée que ma fille les approuvera ; ils sont bien faits, ils sont jolis, nous les chantons. Je suis ravie de tout ce que vous me mandez de Pauline, que vous avez vue en passant à Grignan ; je n’ai jugé favorablement d’elle que sur vos louanges, et sur la lettre toute naturelle que vous avez écrite à Mme de Chaulnes, et qu’elle m’a envoyée. Ah ! que j’aimerois à faire un voyage à Rome, comme vous me le proposez ! mais ce seroit avec le visage et l’air que j’avois il y a bien des années, et non avec celui que j’ai présentement ; il ne faut point remuer ses vieux os, surtout les femmes, à moins que d’être ambassadrice. Je crois que Mme de Coulanges, quoique jeune encore, est de ce sentiment ;

  1. 3. Le prince de Turenne. Voyez la lettre du 2i décembre 1689, p. 364 et note 7.
  2. 4. Voyez ci-dessus la lettre du 27 novembre 1689, p. 330.