Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/438

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Beauvilliers si vous ou Monsieur le chevalier avez encore à lui écrire, il me semble qu’un compliment que vous auriez reçu de Bretagne, et qui lui témoignerait ma joie, seroit un chemin bien naturel, et le plus court, selon les supputations que nous faisons quelquefois. Adieu, ma chère belle : Dieu conduise cette lettre, et qu’elle arrive dans un temps où votre cœur soit un peu à son aise ! Il a neigé extrêmement depuis deux jours ; c’est la première fois que je me suis doutée que nous fussions en hiver. Ma belle-fille est encore à Rennes, assiégée par les neiges[1].

1259. --  DE MADAME DE SÉVIGNÉ A MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 29è janvier.

JE n’ai point reçu de vos lettres ; j’en suis triste et fâchée, sans en être surprise ; je le suis bien plus, quand je vois arriver les courriers par un si effroyable temps. Les eaux ont été si grandes, que ma belle-fille, lasse d’être arrêtée à Rennes, se hasarda à revenir ici, et fut assez hardie pour passer une fort grande eau sur un cheval qui nagea plusieurs pas : au lieu d’être bien reçue, après cette belle action, elle fut bien grondée  : elle jouoit à se noyer, et nous qui savons ce que c’est[2], nous ne pouvions lui pardonner. Elle espère que ce péril où elle s’est exposée lui servira pour se raccommoder avec vous de m’avoir encore quittée trois semaines de suite ; mais elle en étoit si fâchée, que cela seul mériteroit quelque considération. Il y a dix ou douze jours que nous ne sortons point ; mais s’il fait seulement deux jours de

  1. 10. Voyez la lettre du 18 janvier précédent, p. 423.
  2. LETTRE 1259. -- 1. Voyez tome VII, p. 440 et 441.