Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/457

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des personnes bien raisonnables et bien commodes pour moi on jouoit sans cesse, et j’avois ma liberté. Mais hier, sans avoir vu aucun mouvement, ma belle-fille sortit un moment avant souper, et tout d’un coup, celui qui sert sur table entre déguisé fort joliment, et nous dit qu’on a servi. Nous passons dans la salle, que nous trouvons éclairée, et ma belle-fille toute masquée, au milieu de tous ses gens, et les nôtres, qui étoient aussi en mascarade : ceux qui tenoient les bassins pour laver, ceux qui donnoient les serviettes, tous les officiers, tous les laquais ; c’étoit une troupe de plus de trente, si plaisamment fagotés, que la surprise se joignant au spectacle, ce fut un cri, un rire, une confusion qui réjouit fort notre souper ; car nous ne savions qui nous servoit, ni qui nous donnoit à boire. Après souper, tout dansa : il y eut des sonnoux[1] on dansa tous les passe-pieds, tous les menuets, toutes les courantes de village, tous les jeux des gars du pays. Enfin minuit sonna, et nous voilà en carême : vous souvient-il, ma très-aimable, des mardis gras que nous avons passés ensemble, et où nous nous couchions si avant dans le carême ? je suis charmée de vous retrouver dans tous les temps de ma vie, et c’est toujours avec une tendresse sensible. Adieu tout vous aime ici ; j’aime et honore tout ce qui est là.

1264. DE MADAME DE SÉVIGNÉ ET DE CHARLES DE SÉVIGNÈ A MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 12è février.

DE MADAME DE SÉVIGNÉ.

JE voudrois bien, ma chère Comtesse, que vous eus-

  1. 8. Des sonneurs ou sonneux (dans le patois des environs de Vitré sonnoux), des musiciens, des violons, des joueurs de cornemuse ?