Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/490

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1690

Elle connaît M. de Seignelai et M. de Vendôme, tout comme je connois Grignan ; mais vous ne me mandez point si elle parle provençal, et si le peintre d’Aix est à Rome[1] : vous oubliez mille choses que je serois ravi de ̃ savoir, et dont l’ignorance me donne de cruelles inquiétudes. Ce n’est pas assez d’approuver mon amour, il faut encore soulager mon martyre par tout ce qui peut adoucir les rigueurs de l’absence. Vous pouvez, je crois, me rendre tous ces bons offices, sans engager votre conscience, puisque moi, qui ne suis point dans la morale du péché philosophique[2] , je me dispose à n’en faire pas moins mon devoir la semaine prochaine.

DE MADAME DE SEVIGNÉ A PAULINE DE GRIGNAN

Vraiment[3], ma chère Pauline, voilà bien de quoi remercier très-humblement Monsieur votre oncle de l’honneur qu’il vous fait d’être amoureux de vous. Vous le prierez instamment de continuer ; voilà ce qui s’appelle une fille bien élevée et bien civile.

A MADAME DE GRIGNAN.

On me mande que Monsieur le premier président et

  1. 21. Voyez la lettre du 12 février précédent, p. 453.
  2. 22.C’est-à-dire un péché qui n’offenserait pas la raison et le bon sens. Le P. Musnier, jésuite, avait enseigné à Dijon, en 1686, qu’il pouvait exister un péché qui ne rendrait pas son auteur coupable. Il avançait que le défaut de connaissance de Dieu, ou de la pensée actuelle de Dieu, empêchait de l’offenser. « En un mot, dans le style d’école, on ne commettrait point un péché théologique, contre Dieu qu’on ne connaîtrait pas, mais seulement un péché philosophique, contre la raison. »(Port-Royal, par M. Sainte-Beuve, tome V, p.301.) Cette dangereuse doctrine, presque aussi commode que celle de Molinôs, fut attaquée par Arnauld, et condamnée par Alexandre VIII, le 24 août 1690 ; elle l’a été également par le clergé de France, en 1700.
  3. 23. Il y a vrament dans le manuscrit. Voyez tome VII, p. 225, note 2. Au commencement de l’alinéa suivant le copiste a écrit, par erreur : « On me demande, » pour : « On me mande. »