Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/495

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Je songeai à cette boule[1] où vous étiez grimpé avec vos jambes de vingt ans, et à l’avantage qu’ont les hommes au-dessus des femmes, dont tous les pas sont comptés et bornés ; et combien je me promènerois de jours et d’années dans le plain-pied de nos allées sans me trouver, jamais dans cette boule. Je trouve le madrigal[2] de Mlle de Scudéry très-joli, très-flatteur ; et puis je vous trouve heureux d’avoir l’abbé de Polignac dans votre société ; je suis ravie de son souvenir ; c’ést un des hommes du monde dont l’esprit me paroit le plus agréable : il sait tout, il parle de tout ; il a toute la douceur, la vivacité, la complaisance qu’on peut souhaiter dans le commerce. Je crois vous en avoir parlé autrefois de cette manière, du temps que nous traitions ensemble le mariage de son frère avec Mlle de Grignan.[3] Au retour de ma promenade, je vous écrivis avec bonne intention de vous parler de lui, et je l’oubliai : que dites-vous de cette misère, mon pauvre Coulanges ? Il ne faut plus se fier à rien, et moins à soi-même qu’aux autres ; depuis

  1. 2. La boule qui surmonte la coupole de l’église de Saint-Pierre de Rome. Coulanges y monta comme un jeune homme le 9 février 1690, et fit à cette occasion ce couplet, sur l’air : Croyez-moi, ma Sylvie (voyez l’édition de ses chansons citée dans la note précédente, tome I, p. 266): Apprenez qu’à Saint-Pierre, sans peine, Aujourd’hui neuvième février, J’ai monté, presque d’une haleine, De degrés non pas une douzaine, Mais sans mentir pour le moins un millier ; J’ai voulu, malgré mes cheveux blanc Et le temps qui sur ma tête roule Faire ici comme les jeunes gens ; J’ai grimpé comme eux dans la boule Et trouvé mes jambes de vingt ans.
  2. 3. Voyez la note 38 de la lettre du 19 février précédent, p. 466.
  3. 4. C’est-à-dire Mlle d’Alerac : voyez la Notice, p.251 et 252, les lettres de l’année 1684, tome VII, gp. 261, 306, 307, etc.