Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/9

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récrire une aussi grande lettre, je vous l’ai déjà dit, [1] je m’enfuirois. Si vous trouvez que je pousse un peu loin ce chapitre, c’est qu’il me tient au cœur par-dessus toutes choses.(Édition de 1754.)[2]

Je [3]ne réponds rien à ces comptes et à ces calculs que vous avez faits, à ces avances horribles, à cette dépense sans mesure :cent vingt mille livres ! II n’y a plus de bornes deux dissipateurs ensemble, l’un voulant tout, l’autre l’approuvant, c’est pour abîmer le monde. Et n’étoit-ce pas le monde que la grandeur et la puissance de votre maison ? Je n’ai point de paroles pour vous dire ce que je pense, mon cœur est trop plein. Mais qu’allezvous faire ? Je ne le comprends point du tout. Sur quoi vivre ? sur quoi fonder le présent et l’avenir ? Que faiton, quand on est à un certain point ? Nous comptions l’autre jour vos revenus ils sont grands ; il falloit vivre de la charge et laisser vos terres pour payer vos arrérages. J’ai vu que cela étoit ainsi ; ce temps est bien changé, quoique vous ayez reçu bien des petites sommes qui devroient vous avoir soutenue, sans compter Avignon il est aisé de voir que la dissipation vous a perdue du côté de la Provence. Enfin cela fait mourir, d’autant plus qu’il n’y a point de remède.

Dieu sait comme les dépenses de Grignan, et de ces compagnies sans compte et sans nombre, qui se faisoient un air d’y aller de toutes les provinces, et tous les enfants de la maison à la table jusqu’au menton, avec tous

  1. 7. Voyez au tome VIII, p. 560, la fin de la lettre du 28 mars précédent.
  2. 8. « C’est qu’en vérité il me tient au cœur. »
  3. 9. Cet alinéa et les deux suivants ne se lisent pas dans les éditions de Perrin. Ils ont été publiés pour la première fois en 1827, d’après notre ancienne copie, sur laquelle nous les avons collationnés de nouveau.