Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/246

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construction. On jeta ensuite des solives d’une traverse à l’autre, et on couvrit le tout de fascines et de claies. De plus, des pieux obliquement fichés vers la partie inférieure du fleuve s’appuyaient contre les pilotis en forme de contreforts et servaient à briser le courant. Enfin d’autres pieux étaient placés en avant du pont, à peu de distance, afin que, si les barbares lançaient des troncs d’arbres ou des bateaux pour abattre ces constructions, elles fussent ainsi protégées contre ces tentatives inutiles, et que le pont n’en eût point à souffrir (3).

XVIII. Tout l’ouvrage fut achevé en dix jours, à compter de celui où les matériaux furent apportés sur place. César fit passer l’armée, et, laissant une forte garde à chaque tête de pont, il marcha vers le pays des Sugambres. Ayant, pendant sa marche, reçu des députés de diverses nations, qui venaient réclamer la paix et son amitié, il leur fit une réponse bienveillante, et exigea qu’on lui amenât des otages. De leur côté, les Sugambres qui, du moment où l’on commençait à construire le pont, et sur l’avis des Usipètes et des Tencthères réfugiés chez eux, avaient tout préparé pour fuir, venaient d’abandonner leur pays, emportant tous leurs biens, et s’étaient retirés dans les déserts et dans les forêts.

XIX. César, après un très court séjour dans ce pays, dont il brûla les bourgs et les habitations et détruisit les récoltes, se rendit chez les Ubiens, et leur promit son secours s’ils étaient attaqués par les Suèves. Il apprit d’eux que ces derniers, informés par leurs éclaireurs que l’on jetait un pont sur le Rhin, avaient, selon leur coutume, tenu conseil et envoyé partout l’ordre de sortir des villes ; de déposer dans les bois les femmes, les enfants et tous les biens, enjoignant à tous les hommes en état de porter les armes de se réunir dans un même lieu : ce rendez-vous était à peu près au centre des régions occupées par les Suèves. C’était là qu’ils avaient décidé d’attendre l’arrivée des Romains pour les combattre. Instruit de ce dessein, et ayant obtenu tous les résultats qu’il s’était proposés en faisant passer le Rhin à l’armée, à savoir : d’intimider les Germains, de se venger des Sugambres, et de délivrer les Ubiens pressés par les Suèves, César, après dix-huit jours en tout passés au-delà du Rhin, crut avoir assez fait pour la gloire et l’intérêt de Rome, revint dans la Gaule et fit rompre le pont (4).

XX. Quoique l’été fût fort avancé et que dans la Gaule, à cause de sa position vers le nord, les hivers soient hâtifs, César résolut néanmoins de passer dans la Bretagne[1], pays qu’il savait avoir fourni des secours à nos ennemis dans presque toutes les guerres contre les Gaulois. Si la saison ne lui permettait pas de terminer cette expédition, il lui serait cependant, à ce qu’il lui semblait, très utile de visiter seulement cette île, d’en reconnaître les habitants, les localités, les ports, les abords, toutes choses presque inconnues aux Gaulois. Nul en effet, si ce n’est les marchands, ne se hasarde à y aborder, et ceux-ci même n’en connaissent que les côtes et les pays situés vis-à-vis de la Gaule. Ayant donc fait venir

  1. L’Angleterre.